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Faut-il contrôler ses désirs pour être heureux?

  • michelchicher
  • 2 sept. 2023
  • 13 min de lecture

Dernière mise à jour : 3 sept. 2023



Introduction

  • PASCAL: "Tous les hommes recherchent d’être heureux. Cela est sans exception, quelques différents moyens qu’ils y emploient. Ils tendent tous à ce but. Ce qui fait que les uns vont à la guerre et que les autres n’y vont pas est ce même désir qui est dans tous les deux, accompagné de différentes vues. La volonté ne fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C’est le motif de toutes les actions des hommes. Jusqu’à ceux qui vont se pendre "

Être heureux constitue donc l’objectif ultime de tous les êtres humains.


La façon d’atteindre ce bonheur varie d’un individu à un autre. Par exemple, certains préfèrent une vie très sociale, d’autres apprécient bien plus la solitude. Les uns se complaisent dans les activités physiques, les autres dans l’exercice de leur intellect.


Chacun ressent des désirs, potentiellement très différents, voire opposés, mais qui convergent tous vers l’espoir d’atteindre cet état de bonheur convoité. De façon extrême, lorsque le bonheur ne peut être atteint, certains hommes ressentent au moins le besoin de se soustraire au malheur, y compris par le suicide.


Le bonheur est un état durable de plénitude et de satisfaction de l’esprit et du corps.

Une personne ne se déclarera heureuse qu’après examen de son état de contentement sur la durée.

Et cet état est global : il concerne à la fois l’esprit et le corps. On peut par exemple difficilement imaginer qu’une personne gravement malade puisse être heureuse même si elle est par ailleurs comblée dans sa vie amoureuse, dans son travail et dans toutes ses activités. De la même façon un individu en parfaite santé ne se déclarera probablement pas heureux s’il vit des conditions familiales ou professionnelles durablement difficiles.


Il n’en reste pas moins que le bonheur est difficile à définir dans le détail. D’ailleurs certains considèrent que le bonheur reste une pure illusion, et que personne ne peut atteindre cet état de plénitude durable. Le bonheur s’avère beaucoup moins concret que le plaisir, sentiment immédiatement perceptible lorsqu’un désir est satisfait, souvent intense mais aussi fugace. Les causes du plaisir sont immédiatement identifiables. Les ressorts du bonheur sont beaucoup plus subjectifs et vaporeux.


Le désir quant à lui est une force active qui nous pousse à satisfaire un besoin tel que l’obtention d’un objet, la conquête de l’être aimé, la réalisation d’une action. Les désirs ne se réduisent pas aux besoins physiologiques de base (manger, boire, dormir, se reproduire) ou les besoins de sécurité (lutte contre les menaces naturelles, sociales, …).

Les besoins peuvent être bien plus subtiles et concerner les aspect relationnels (recherche d’interactions avec autrui), la quête d’estime (respect, confiance, reconnaissance, réussite, …), et l’accomplissement de soi (mise en valeur de son potentiel en tant qu’homme).


Le bonheur étant fondamentalement lié au désir, l’objectif de ce post est de déterminer s’il est nécessaire de contrôler ses désirs pour être heureux.



Première option: aucun contrôle des désirs


Il s’agit pour chaque individu de chercher à satisfaire le plus de désirs possibles. C’est la position de Caliclès dans le Gorgias de Platon, ouvrage essentiellement consacré au concept de bonheur. Il s’agit d’accumuler les plaisirs, de ne jamais réfréner ses envies. Un désir non assouvi provoque la frustration et compromet l’atteinte de l’état de bonheur. Cet hédonisme radical a par exemple été largement revendiqué en Mai 68 en France. Les slogans « Prenons nos désirs pour des réalités », « Sous les pavés la plage », « Je ne veux pas perdre ma vie à la gagner », « Il est interdit d’interdire » reflètent cette volonté de satisfaire tous les désirs ressentis et de s’opposer à toute forme de contrainte. La jouissance permanente devient l’objectif suprême, elle est la vie elle-même. Cette position est très largement individualiste, les désirs à satisfaire étant principalement ceux de chaque individu, l’intérêt commun étant par la même relégué au second plan. Ce point de vue est même érigé en valeur par Caliclès : il faut en effet faire preuve de force, d’intelligence, pour parvenir à imposer ses propres désirs qui peuvent entrer en conflit avec ceux des autres. On peut en arriver à la conclusion que ceux qui parviennent au bonheur appartiennent à une certaine élite. Et d’ailleurs la hiérarchisation de la société en forts et en faibles est légitimée par le fait que cela ne fait que refléter l’organisation naturelle du monde. Le règne animal en est l’illustration. Au sein de la plupart des espèces, une lutte basée sur la force s’organisme pour asseoir son statut de dominant. Et, entre espèces, on distingue bien les prédateurs des proies.


Antithèse

La thèse hédoniste peut être contrée en utilisant plusieurs arguments.


Le tonneau des Danaïdes

Dans le Gorgias, Socrate s’oppose à Caliclès en expliquant que le besoin de satisfaire des désirs ressentis mène immanquablement à la dépendance et donc à l’amenuisement de la liberté humaine. Pour illustrer cela, Platon reprend le mythe antique des Danaïdes, personnages féminins condamnés à tenter de remplir un tonneau percé avec une passoire. De la même façon les désirs sont infinis et ils ne pourront jamais être tous satisfaits.

Le désir reflète le sentiment de manque de quelque chose que l’on ne possède pas. Si le désir est satisfait, le manque est comblé et une dose de plaisir, potentiellement intense, est effectivement générée. Mais le propre du plaisir est son état fugace. Il faudra donc renouveler l’expérience, d’autres désirs s’imposeront, d’autres états de manque se manifesteront et ainsi de suite. Le plaisir peut être assimilé à une drogue. Il faut sans cesse rapprocher les prises et augmenter les doses.

L’homme devient alors dépendant, esclave, privé de liberté.

Socrate inverse donc les valeurs mises en avant par Caliclès. Le fort, celui qui impose ses désirs sans considération pour autrui, est en réalité esclave de ses passions qui le condamnent à subir la tyrannie du désir de manière immuable. L’homme en question c’est Sisyphe condamné à hisser éternellement un rocher au sommet d’une montagne avant que ce rocher ne dévale immanquablement la pente. C’est aussi Prométhée dont le foie, dévoré chaque jour par un aigle, se régénère systématiquement. Ou encore Tantale qui se voit proposer de manière cyclique de superbes mets qu’il ne peut jamais atteindre car contraint par des chaînes.


L'amoralisme

Celui qui considère que ses désirs doivent être satisfaits, quelles qu’en soient les conséquences, adopte une attitude profondément amorale. Autrui ne compte pas, n’existe pas. Cette position purement individualiste du « jouir sans contrainte » peut mener à tous les excès, par exemple à la violation des droits qui régissent les relations entre êtres humains. C’est un retour à l’état de nature dans lequel le fort se permet tout et le faible est condamné à subir. Qui voudrait d’un système où certains pourraient empiéter sans limite sur la liberté des autres ? Toute personne rationnelle ne peut approuver un tel système ne serait-ce que parce que les puissants d’aujourd’hui pourront trouver plus forts qu’eux demain. Il est donc dans l’intérêt de tous d’adopter un contrat social qui régit la cohabitation des individus. Le slogan « Jouir sans contrainte » laisse alors place au fameux « Ma liberté s’arrête là où commence celle d’autrui »


Certains désirs nous trompent

Il faut bien être conscient du fait que certains désirs ressentis sont construits sur des bases erronées.

  • SPINOZA: "Nous n’avons pas le désir de quelque chose parce que nous jugeons que cette chose est bonne. Au contraire, nous jugeons qu’une chose est bonne parce que nous la désirons"


Prenons l’exemple de l’amour. Dans la grande majorité des cas un être humain se met à en désirer un autre sans en connaître les vrais défauts et qualités. L’amoureux va se convaincre du fait que la personne convoitée présente bel et bien les caractéristiques attendues, le phénomène d’embellissement est à l’œuvre. C’est bien le désir qui gouverne l’imagination.

Autre exemple : c’est souvent par mimétisme que se construisent les désirs. C’est en voulant ressembler à des modèles (des influenceurs, des célébrités, des acteurs de publicité, …) que certaines personnes ressentent le besoin d’acquérir les mêmes objets.

La lucidité s’efface. Ce n’est souvent que bien plus tard que la vraie nature de la personne ou de l’objet désirés apparaît au grand jour … et il est parfois trop tard. Le plaisir anticipé à l’origine est bien loin du plaisir réellement éprouvé.


L'ennui

Schopenhauer ajoute la composante « ennui » à la liste des objections que l’on peut faire à la position hédoniste. Dans sa célèbre citation

  • SCHOPENHAUER: "La vie oscille comme un pendule de la souffrance à l’ennui"

Schopenhauer rappelle d’une part ce qui a déjà été mis en évidence dans le paragraphe « Tonneau des danaïdes », à savoir la souffrance ressentie lorsque le désir n’est pas encore satisfait et que le manque est à son paroxysme.

Mais Schopenhauer ajoute que lorsque les désirs sont satisfaits et avant que les prochaines envies se manifestent, les hommes ressentent l’ennui, voire une sorte de dépression liée à l’absence de nouvelle motivation.

Encore une fois prenons l’exemple de l’amour. Supposons que l’être aimé a enfin été conquis et qu’il partage maintenant notre vie. Par définition cette personne ne nous manque plus, puisque ne nous manque que ce que nous n’avons pas. Or, selon Schopenhauer, le désir est manque. Puisque notre conjoint ne nous manque plus, nous ne le désirons plus. Il ne s’agit plus en tout cas du désir ressenti initialement, celui dont on ne peut se défaire, celui qui met le corps et l’esprit sous tension, de jour comme de nuit. L’ennui s’installe alors dans le couple. Ce n’est pas un hasard si plus de la moitié des mariages se terminent par un divorce.

Une autre façon d’illustrer cet ennui Schopenhauerien consiste à évoquer ces cas de personnes très riches qui peuvent tout s’offrir et qui pourtant s’avèrent malheureuses. Elles sont blasées, elles n’ont plus rien à désirer, plus de manque, l’ennui les accable. Elles manquent de manque.



Deuxième option : un contrôle des désirs pour parvenir au bonheur


Les Stoïciens prônent une limitation des désirs en ne retenant que ceux qui sont conformes à l’ordre du monde. Chacun doit rester à la place qui lui a été attribuée dans ce cosmos, jugé parfait par les Grecs. Il faut éviter l’hubris en ne nourrissant pas des désirs inatteignables ou non conformes à sa condition. Il est par exemple évident qu’une personne pauvre qui désire avoir le train de vie d’un millionnaire se condamne au malheur. Cette personne nourrira une grande frustration ou glissera dans la délinquance pour se procurer l’argent dont elle ne peut pas disposer de façon morale.


Les Épicuriens se montreront encore plus précis sur la façon de sélectionner, de hiérarchiser les désirs à conserver.

Les désirs naturels et nécessaires (au maintien de la vie) sont à retenir : manger, boire, dormir, se vêtir, disposer d’un toit, ...

Les désirs naturels et non nécessaires sont à éviter le plus possible mais ils n’ont pas à être proscrits systématiquement. Lorsque la soif nous tenaille, remplacer l’eau par du vin est admis à la condition d’éviter les excès. Avant de céder à un désir il convient de toujours d’utiliser sa raison pour déterminer si cela ne génèrera pas de la souffrance plus tard.

Les désirs non naturels et non nécessaires doivent quant à eux être bannis. Il est vrai que disposer d’une garde-robe pléthorique, de voitures surpuissantes, de montres hors de prix, … choquerait profondément les disciples de la philosophie Épicurienne.


Pour les Stoïciens et les Épicuriens, le bonheur ne passe absolument pas par la satisfaction des désirs qui nous rendent profondément dépendants. Au contraire il faut rechercher la tranquillité de l’âme (l’ataraxie) et celle du corps (l’aponie). Pour cela il faut faire preuve de volonté d’après les Stoïciens et utiliser sa raison selon les Épicuriens.


Antithèse

Caliclès, bien entendu, rejette la vie tempérante proposée par Socrate, arguant du fait qu’il s’agirait d’une existence sans saveur, ennuyeuse, une vie de pierre. C’est le désir qui fait le sel de la vie. Que serait une existence ataraxique, sans émotion, sans agitation ?


D’ailleurs cette position est assez proche de celle de Rousseau, plusieurs siècles plus tard.

  • ROUSSEAU: "Malheur à celui qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux"

En d’autres termes il est primordial de désirer pour se sentir vivant. L’attente, l’espoir, le manque, voici ce qui nous rend heureux. L’homme a besoin de se projeter, d’imaginer, de construire des châteaux en Espagne et c’est dans ces périodes de conception, de création, de bouillonnement cérébral et émotionnel qu’il se sent profondément vivant et heureux.

  • SPINOZA lui aussi affirmera que : "Le désir est l’essence de l’homme "

La notion d’ataraxie est bel et bien balayée puisqu’un homme sans désir serait en contradiction avec sa nature propre, il ne serait pas un être humain, il serait en état de dépression perpétuelle.


Pascal mettra lui aussi en évidence la nécessité de s’agiter, de se divertir, mais, comme on va le voir, la raison est toute autre.

  • PASCAL: "Quand je m’y suis mis quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s’exposent, dans la cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre … Mais quand j’ai pensé de plus près, et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j’ai voulu en découvrir la raison, j’ai trouvé qu'il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près "

Pascal pointe la tendance des êtres humains à s’adonner à tous types de divertissements, tous types d’activités. Il s’agit pour chaque individu de se sentir occupé en permanence. Certains se noient dans le travail, d’autres dans les loisirs, d’autres encore vont à la guerre, … Le but, cette fois, n’est pas de parvenir au bonheur mais plutôt d’éviter l’angoisse que pourrait révéler l’exercice de la pensée. En effet, si nous nous donnions le temps de réfléchir, nous nous retrouverions conscients de notre triste condition de mortel. Situation paradoxale puisque le repos devrait au contraire nous éviter d’être exposés aux dangers et aux peines engendrés par les activités humaines.

Ce besoin de divertissement est partagé par tous, y compris par les plus puissants, et ceci est logique puisque tous sont condamnés à disparaître tôt ou tard. Ainsi Pascal donne l’exemple des rois qui, s’ils n’étaient pas divertis, sombreraient eux aussi dans le malheur. Ils s’adonnent donc par exemple à la chasse, non pas bien entendu dans le but de se nourrir, mais plutôt pour éviter, comme les autres, d’être confrontés à leur finitude.


Le désir de se divertir et les plaisirs associés sont donc vus ici comme un moyen de se détourner des préoccupations existentielles.

  • BERGSON a écrit: "Le plaisir c’est une ruse que la nature a inventé pour la survie de l’espèce "

Ceci signifie que sans la sensation de plaisir, nous ne ressentirions pas le désir de manger, de boire et de nous reproduire. Donc l’espèce humaine s’éteindrait. On peut oser ici une extension de cette interprétation classique de la phrase de Bergson. Si nous ne ressentions pas le désir de nous divertir, nous ne pourrions plus éviter l’angoisse de la mort, la vie perdrait de son sens et, cette fois encore, l’espèce serait mise en danger par l’émergence d’un état dépressif généralisé. En d’autres termes la phrase de Bergson ne concerne plus uniquement les désirs physiologiques de base mais l’ensemble des envies à l’origine de toutes les activités humaines.


Pascal, finalement, met donc lui aussi en évidence que l’ataraxie des Grecs est incompatible avec la condition humaine. Une vie sans trouble n’est pas possible car notre condition de mortel s’inviterait dans notre réflexion et viendrait hanter notre esprit. Mieux vaut se divertir et vivre nos désirs même s’ils entraînent souffrance et ennui, car les désirs portent une fonction essentielle : l’oubli de notre condition de misérable mortel.

Nous mourrons tous un jour, alors, en attendant, vivons, n’ayons pas de regret.

  • Comme le dit MONTAIGNE: "La valeur de la vie ne réside pas dans la durée, mais dans ce qu’on en a fait "

Quelle solution?


Force est de constater que nous faisons face à une véritable aporie, une impasse. D’un côté il apparaît que laisser libre cours à la jouissance mène à la dépendance, à l’amenuisement de notre liberté d’homme, à l’amoralisme, au leurre et à l’ennui. A l’opposé, un contrôle strict des désirs et leur hiérarchisation pour construire une existence faite de tranquillité et d’équilibre conduit en réalité à renoncer à une vie d’homme qui, si elle n’est pas nourrie de désirs, n’est que dépression.


Une solution nous est apportée par Spinoza qui introduit la notion de joie dans l’équation désir – plaisir – bonheur. Comme cela a été vu précédemment le désir est l’essence de l’homme selon cet auteur. Une vie d’ascète Stoïcien construite autour d’un contrôle strict de ses envies est donc inconcevable. La hiérarchisation des désirs, proposée par les Épicuriens, en ne conservant que ceux qui sont naturels et nécessaires revient à ramener l’homme à sa pure animalité et ceci n’est pas acceptable non plus. D’un autre côté laisser libre cours à toutes sortes de désirs conduit effectivement, tôt ou tard, à l’insatisfaction.

Spinoza introduit un tout autre type de hiérarchisation des désirs. Il constate que certains sont basés sur des affects de tristesse (jalousie, colère, ressentiment, honte, haine, indignation, pitié, …) et d’autres sur des affects de joie (amour, générosité, bienveillance, fierté, espoir, développement, épanouissement, …). Les premiers conduisent à un rétrécissement de soi, les seconds à une augmentation. Les premiers entraînent un plaisir de courte durée, les seconds une joie durable.

Prenons l’exemple d’un adolescent qui renoncerait à ce qui lui tient à cœur (profession artistique, artisanale, agricole, …) parce que ses parents instillent chaque jour en lui l’idée qu’il existe des métiers nobles et d’autres méprisables, que les premiers induisent de la fierté et les seconds de la honte sociale. Il y a fort à parier que l’adolescent en question renoncera à ses aspirations premières et se conformera effectivement aux désirs de personnes tierces, en l’occurrence ceux de ses parents. Il est également probable que cette jeune personne montrera peu d’entrain dans des études qui le mènent vers un métier non désiré. Et en supposant qu’un diplôme soit malgré tout obtenu, il est tout aussi probable qu’après une sensation éphémère de plaisir liée à la réussite et au fait d’avoir entraîné la satisfaction de ses parents, cette personne nourrira, pendant toute sa vie professionnelle, un sentiment d’insatisfaction chronique.

En d’autres termes il convient de réorienter nos désirs vers des causes qui nous procurent une joie intense et durable. Lorsqu’un désir lié à un affect de tristesse est déjà installé il est souvent peu efficace de chercher à engager une lutte basée sur des injonctions du type « tu dois, il faut » pour modifier le comportement inadéquat. Il est préférable d’introduire un désir plus puissant, basé sur un affect positif, qui viendra se substituer au désir nuisible. Par exemple, imaginons le cas d’un jeune enfermé dans une addiction au jeu, ou qui mène une existence de passivité, les yeux rivés du matin au soir sur la télévision. Si la thérapie proposée se réduit à un discours moral, ou à l’exposé des risques liés à une vie de dépendance ou de passivité, il est peu probable que le succès sera au rendez-vous. Si, en revanche, on détecte chez cette personne des sources de motivation saines qui, si elles sont exploitées, amèneraient le développement de nouvelles passions, alors les désirs nuisibles pourraient être supplantés. Ce peut être un sport, la musique, le goût pour la pâtisserie, l’informatique, …


En conclusion il existe bel et bien un lien fort entre désir et bonheur. Il apparaît clairement qu’il faut absolument éviter de devenir dépendant, voire esclave de ses envies. D’un autre côté il n’y a pas plus de sens à vouloir tenter d’éliminer les désirs ou entreprendre de les contenir pour ne conserver que ceux liés à la perpétuation de l’espèce. En effet, sans désir, la vie humaine perdrait toute saveur.

La solution passe par une hiérarchisation des désirs, mais en utilisant un critère de sélection différent. Il s’agit de privilégier les désirs basés sur les affects positifs. Ceci afin de générer de la joie, sentiment plus durable que le plaisir, et qui sanctionne toute action de croissance et de réalisation de soi. L’animal éprouve des désirs et ressent du plaisir, mais il ne connaît pas la joie. Tout simplement parce qu’il ne peut pas se défaire de son seul instinct. Il est donc dans l’impossibilité de progresser et d’évoluer. L’homme quant à lui dispose de la liberté d’aller au-delà de son animalité, de croître, de se réaliser. Cela lui procure de la joie, sentiment essentiel à la quête du bonheur.



 
 
 

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